Cavistes et Grandes Surfaces: l'éternel débat...
Publié : 11 mars 2007, 10:06
Et voilà que l'éternel débat resurgit... Ce topic fait suite à la discussion à propos du prix du Caol Ila 12 ans en grandes surfaces.
Le sujet passionne les foules et nous avons probablement atteint un point de non-retour en matière de distribution.
Personnellement, je trouve le Caol Ila 12 ans plus qu'honnête et (une fois n'est pas coutume) j'ai applaudi des deux mains à la sortie de versions officielles d'une distillerie qui n'était connue que par la pléthore d'embouteillages indépendants. Comme quoi, une même société (Diageo) peut avoir des politiques très différentes par rapport aux indépendants selon la distillerie concernée. Lagavulin est un produit-phare du groupe, et donc pas question d'en laisser une goutte aux indépendants (à moins qu'ils ne nomment leur produit "Breath of Islay" ou "Finlaggan"...) tandis que d'autres semblant moins prestigieux comme Caol Ila sont surtout produits en tant que matière première pour le marché du blend.
Enfin, on s'éloigne à nouveau du débat.
Quoique...
Le blend me semble être la clé de voûte du système. Maintenant qu'on aime ou qu'on n'aime pas le blend est un problème secondaire. L'important est de savoir que les distilleries en Ecosse ne produisent (pour la plupart) leur whisky qu'en tant que matière première destinée au blending.
C'est le blend qui a fait sortir les distilleries de leur état de petit artisanat local (à côté de chaque boulangerie, il y avait pratiquement une distillerie, et comme les écossais consommaient plus de whisky que de pain, l'Etat a essayé d'y mettre bon ordre en interdisant les petites distilleries. Je mets volontairement de côté ici les raisons profondes (financières déjà à l'époque) pour ne pas alourdir le débat.
C'est le blend qui a permis l'exportation du whisky. D'abord d'une région à l'autre. Il n'était pas question de faire boire de l'Islay à un citoyen de Dufftown... et ensuite sur l'Angleterre et le monde entier. Le whisky était prêt à devenir la grande industrie qu'il est aujourd'hui, et le petit coup de pouce vint d'un petit insecte qui a ravagé la vigne en France, et donc mis le Cognac hors jeu pour un certain nombre d'années.
Tout ceci nous éloigne du débat cavistes- GS
Quoique...
L'engouement actuel pour le single malt vient du fait de sa complexité, de son goût prononcé et très typé, de sa qualité intrinsèque qui fait cruellement défaut dans les blends ... de supermarché!
La grande distribution joue par nature son rôle de grand distributeur. Il faut vendre. N'importe quoi. Dans un même espace, on trouve des carottes, des couche-culottes, des machines à laver, bientôt des voitures (il y a déjà des expériences en la matière), de l'eau minérale, du poulet, des spaghettis et du whisky. L'objectif est de vendre, et que le client revienne la semaine suivante faire ses courses, et acheter de nouvelles carottes, des couche-culottes, (peut-être pas tout de suite une nouvelle machine à laver ni une autre voiture) de l'eau minérale, du poulet, des spaghettis et du whisky.
Or pour vendre semaine après semaine, il faut attirer le chaland. Il faut donc diminuer les prix par n'importe quel moyen. En partant du principe que le concurrent n'est pas le petit commerçant mais une autre chaîne de GS, l'aspect qualité est relativement secondaire. Le produit standard est visé. Et si le produit standard est trop cher, on va diminuer les prix. Oh pas les bénéfices, simplement les prix.
Comment s'y prend-t-on? (bizarre, ça s'écrit comme ça?)
Que s'est-il passé historiquement sur le whisky?
Pourquoi les amateurs de ce forum entre autres se tournent-ils tous vers des vieux whiskies? Je veux dire des whiskies fabriqués il y a longtemps. Parce que le séjour prolongé dans un fût n'explique pas nécessairement la qualité de ces vieux whiskies. Combien de fûts anciens sont tellement mauvais que leur contenu ne sert même plus à faire du vinaigre?
On pourrait encore avoir le même débat à propos d'autres alcools. Le sherry par exemple... Personnellement je n'aime pas le sherry, mais sans sherry pas de whisky... Et si le sherry suit la même courbe de grande distribution, où allons-nous?
C'est dans ce sens que je disais que nous sommes occupés à tuer la poule aux oeufs d'or. Loin de moi l'idée de lancer la pierre aux cavistes (même si certains se sont sentis visés à tort). Alors, si le Caol Ila 12 ans est à 30 euros chez Carrefour, moi je préfère l'acheter à 35 euros chez un caviste. Mais je suis d'accord que le sponsoring du commerce de détail a ses limites, le prix de 45 euros à LMDW n'est absolument pas justifié. Et cette politique-là de prix trop élevés contribue également à tuer la poule aux oeufs d'or. Que dire encore de ce Caol Ila 12 ans avec deux verres et un coffret en bois à 62 euros...
C'est vrai que ce genre de "promotions" fragilisent très fort mon argumentation. C'est dans ce sens-là que je disais:
Putain de whisky (oups)! Cavistes, réagissons.
Putain de whisky (re-oups)! Amateurs de single malt exceptionnels, réagissons!
Bon, toutes mes félicitations à tous ceux qui auront eu le courage de lire ce message jusqu'au bout.
En espérant (sans trop y croire) qu'il aura servi à quelque chose.
Le sujet passionne les foules et nous avons probablement atteint un point de non-retour en matière de distribution.
Personnellement, je trouve le Caol Ila 12 ans plus qu'honnête et (une fois n'est pas coutume) j'ai applaudi des deux mains à la sortie de versions officielles d'une distillerie qui n'était connue que par la pléthore d'embouteillages indépendants. Comme quoi, une même société (Diageo) peut avoir des politiques très différentes par rapport aux indépendants selon la distillerie concernée. Lagavulin est un produit-phare du groupe, et donc pas question d'en laisser une goutte aux indépendants (à moins qu'ils ne nomment leur produit "Breath of Islay" ou "Finlaggan"...) tandis que d'autres semblant moins prestigieux comme Caol Ila sont surtout produits en tant que matière première pour le marché du blend.
Enfin, on s'éloigne à nouveau du débat.
Quoique...
Le blend me semble être la clé de voûte du système. Maintenant qu'on aime ou qu'on n'aime pas le blend est un problème secondaire. L'important est de savoir que les distilleries en Ecosse ne produisent (pour la plupart) leur whisky qu'en tant que matière première destinée au blending.
C'est le blend qui a fait sortir les distilleries de leur état de petit artisanat local (à côté de chaque boulangerie, il y avait pratiquement une distillerie, et comme les écossais consommaient plus de whisky que de pain, l'Etat a essayé d'y mettre bon ordre en interdisant les petites distilleries. Je mets volontairement de côté ici les raisons profondes (financières déjà à l'époque) pour ne pas alourdir le débat.
C'est le blend qui a permis l'exportation du whisky. D'abord d'une région à l'autre. Il n'était pas question de faire boire de l'Islay à un citoyen de Dufftown... et ensuite sur l'Angleterre et le monde entier. Le whisky était prêt à devenir la grande industrie qu'il est aujourd'hui, et le petit coup de pouce vint d'un petit insecte qui a ravagé la vigne en France, et donc mis le Cognac hors jeu pour un certain nombre d'années.
Tout ceci nous éloigne du débat cavistes- GS
Quoique...
L'engouement actuel pour le single malt vient du fait de sa complexité, de son goût prononcé et très typé, de sa qualité intrinsèque qui fait cruellement défaut dans les blends ... de supermarché!
La grande distribution joue par nature son rôle de grand distributeur. Il faut vendre. N'importe quoi. Dans un même espace, on trouve des carottes, des couche-culottes, des machines à laver, bientôt des voitures (il y a déjà des expériences en la matière), de l'eau minérale, du poulet, des spaghettis et du whisky. L'objectif est de vendre, et que le client revienne la semaine suivante faire ses courses, et acheter de nouvelles carottes, des couche-culottes, (peut-être pas tout de suite une nouvelle machine à laver ni une autre voiture) de l'eau minérale, du poulet, des spaghettis et du whisky.
Or pour vendre semaine après semaine, il faut attirer le chaland. Il faut donc diminuer les prix par n'importe quel moyen. En partant du principe que le concurrent n'est pas le petit commerçant mais une autre chaîne de GS, l'aspect qualité est relativement secondaire. Le produit standard est visé. Et si le produit standard est trop cher, on va diminuer les prix. Oh pas les bénéfices, simplement les prix.
Comment s'y prend-t-on? (bizarre, ça s'écrit comme ça?)
Que s'est-il passé historiquement sur le whisky?
- D'abord, on économise là où on peut gagner directement. Une des composantes non négligeables du prix du whisky est représenté par les accises. Donc, au moins il y aura d'alcool dans le whisky, au plus on économisera sur les accises, d'où production massive de blends à 40° (heureusement que la loi ne reconnait l'appellation de whisky qu'à des alcools titrant au moins 40°) Je pense que bien peu d'entre nous apprécient encore un whisky à 40° (sauf si ce taux est le résultat des nombreuses années passées en fût...
- Ensuite, le blend est composé de deux sortes d'ingrédients: du single malt (pour le goût) et du whisky de grain neutre (pour l'harmonisation de ce goût). Le single malt coûte nettement plus cher à la production, donc, on va mettre moins de single malt et plus de grain. On en arrive à des abérrations de whiskies de 3 ans, avec 97% de grain... Bon, ces whiskies là ne devraient pas exister, et s'ils existent, laissons les là où est leur place: dans un supermarché, entre une botte de carottes et un paquet de spaghettis.
- Une fois ce mouvement de nivellement par le bas enclanché, les clients s'y sont habitués, et se sont mis à mélanger leur whisky avec du coca, à le boire avec de la glace dans des grands verres, à oublier que le whisky est avant tout un produit hyper raffiné et à ne l'utiliser que pour ses effets éthyliques...
- Certains s'en sont émus, et grâce à une géniale technique de marketting, une bouteille triangulaire a ouvert le marché du single malt. Enfin, ouvert... relativement mal, puisque le single malt ne représente toujours qu'une part infime du marché du whisky. Mais il est en constante progression.
- Ici aussi je crains qu'on n'arrive bientôt à un marché à deux vitesses. Le single malt de base (qui lui va également représenter 90% du marché du single malt, tout comme le blend représente déjà 90% du marché du whisky) va se vendre comme des petits pains en GS, et les prix des denrées rares, de qualité vont s'envoler (encore plus qu'actuellement déjà).
- Résultat, les cavistes vont voir leur marge de plus en plus réduite, sauf s'ils ont réussi à se construire un marché unique (par une politique de prix internationalement reconnue par exemple) et à vendre sur internet.
Et alors adieu le whisky chez le caviste, et à terme, adieu le whisky... Parce que les bonnes choses ne vont plus se vendre que chez les embouteilleurs indépendants qui auront de plus en plus de mal à se fournir. La boucle est bouclée.
Pourquoi les amateurs de ce forum entre autres se tournent-ils tous vers des vieux whiskies? Je veux dire des whiskies fabriqués il y a longtemps. Parce que le séjour prolongé dans un fût n'explique pas nécessairement la qualité de ces vieux whiskies. Combien de fûts anciens sont tellement mauvais que leur contenu ne sert même plus à faire du vinaigre?
On pourrait encore avoir le même débat à propos d'autres alcools. Le sherry par exemple... Personnellement je n'aime pas le sherry, mais sans sherry pas de whisky... Et si le sherry suit la même courbe de grande distribution, où allons-nous?
C'est dans ce sens que je disais que nous sommes occupés à tuer la poule aux oeufs d'or. Loin de moi l'idée de lancer la pierre aux cavistes (même si certains se sont sentis visés à tort). Alors, si le Caol Ila 12 ans est à 30 euros chez Carrefour, moi je préfère l'acheter à 35 euros chez un caviste. Mais je suis d'accord que le sponsoring du commerce de détail a ses limites, le prix de 45 euros à LMDW n'est absolument pas justifié. Et cette politique-là de prix trop élevés contribue également à tuer la poule aux oeufs d'or. Que dire encore de ce Caol Ila 12 ans avec deux verres et un coffret en bois à 62 euros...
C'est vrai que ce genre de "promotions" fragilisent très fort mon argumentation. C'est dans ce sens-là que je disais:
Putain de whisky (oups)! Cavistes, réagissons.
Putain de whisky (re-oups)! Amateurs de single malt exceptionnels, réagissons!
Bon, toutes mes félicitations à tous ceux qui auront eu le courage de lire ce message jusqu'au bout.
En espérant (sans trop y croire) qu'il aura servi à quelque chose.